mardi 29 septembre 2020

La société secrète de la royauté (critique)




La Société secrète de la royauté
est un programme original de Disney+, dont le sujet avait de quoi intriguer, mêlant le thème des princesses et des super héros. Autrement dit , juxtaposant deux des franchises les plus populaires qu'ils possèdent : les princesses Disney et les Avengers (auxquels il sera d'ailleurs fait référence). Personnellement je m'intéresse surtout à la première, mais pourquoi ne pas donner deux dons et identités extraordinaires à des personnages, en effet. Le film Barbie Super princesse y parvenait en tout cas très bien. 





 Dans ce monde, les cadets royaux sont tous dotés d'une mutation génétique qui leur donne un super pouvoir unique qui se développe quand ils sont adolescents. En gros, ils n'héritent pas le trône, mais ont le monde à sauver à la place. L'idée n'est pas neuve chez Disney. C'est le contraire de La Reine des neiges, où l'aînée a la fois le trône et les super pouvoirs. 






Enfin ça c'était avant que la suite ne la fasse démissionner, et inverse les rôles. 





Et dans le dessin animé La garde du Roi Lion, on apprend que si Kiara, l'aînée de Simba et Nala, sera reine, son frère Kion a hérité en tant que cadet d'un rugissement supersonique. Et que Scar avait ce pouvoir, mais l'a perdu en en abusant. 




Ici, le traitement est modernisé. Le royaume présenté est celui d'Illyria, qui serait une micro monarchie européenne (Spoiler: elle n'existe pas. Le plus petit pays d'Europe et du monde est en réalité le Vatican). La reine Catherine est veuve, et a deux filles; Eleanore et Samantha, dite Sam. 




Celle-ci, à commencer par son diminutif très masculin, est définitivement "un autre genre de princesse", comme dans la chanson de la série Galavant






Sauf obligation protocolaire, elle ne porte que des pantalons-tee-shirts-blousons-Doc Martens. Elle aime le rock, et joue de la guitare électrique dans un groupe formé avec son ami Matthew, fils du jardinier du palais. Et surtout, elle n'hésite pas à manifester contre la monarchie (sérieusement).




 L'année où sa parfaite (de son point de vue) sœur aînée va accéder au trône car elle va avoir 18 ans, Sam est envoyée en cours d'été. Il y a quatre autres élèves: Roxana, Tuma, Matteo, et Avril (January en VO). 




Le professeur, le prince James, leur explique l'histoire du fameux gène et montre qu'il peut pour sa part s'auto cloner. 





La société des seconds nés royaux est dirigée par la reine Catherine, autre cadette qui peut se téléporter. Respectivement, Sam a les sens exacerbés (notamment la vue et l'ouïe), et Tuma peut convaincre n'importe qui. Mattéo se fait obéir des insectes, et Roxana est invisible.


Comme c'est une addictée des réseaux sociaux, ça s'appelle avoir un pouvoir ironique.



 Avril peut, pour une durée déterminée, acquérir les pouvoirs des autres et les faire momentanément disparaître chez l'original (comme Malicia en version non létale). Pendant qu'ils commencent un entraînement fastidieux, un super vilain télékinésique très dangereux fuit sa prison grâce à un complicité extérieure. C'est le prince Edmond, oncle de Sam, assassin de son frère aîné le roi, et qui, on le devine, promet un climax très tendu.




 Disons le , on a plus l' impression de visionner un film des X-men qu' un film de princesse tel que le téléfilm Disney channel Princesse protection programme




Le thème royal est encore moins présent que dans Barbie super princesse. Le mépris total que Sam a pour sa condition et le fait qu'elle ne ressemble en rien à l'image traditionnelle des princesses y est pour beaucoup. Même si, précisons- le, en réalité rien n'interdit aux princesses de jouer de la guitare électrique et de s'habiller grunge en privé. Mais il persiste un cliché comme quoi avoir un style destroy fait paraître moins légitime.




 Je ne peux m'empêcher de voir une traitement très américain d'une monarchie à l'européenne. Par exemple, à quoi diable sert une princesse si elle n'est pas destinée à gouverner et n'est donc pas l'aînée? Et bien en fait elle peut faire des tas de choses (s'engager pour de bonnes causes, faire des inaugurations, être une sorte d'ambassadrice, effectivement embrasser une carrière artistique, s'engager dans l'armée...). Mais un pays qui n'a pas, hier ou aujourd'hui, eu de dynastie royale, semble devoir doter de capacités paranormales ces pauvres cadets royaux qui sinon, n'auraient rien à faire.

Je peux comprendre l'intérêt qu'un personnage qui se croit inutile, comparé à un membre de sa famille apparemment plus exceptionnel, obtienne soudain des capacités paranormales. C'est aussi le ressort de La trilogie des gemmes que j'ai revue récemment. 




Gwendoline Sheperd est une adolescente maladroite, bien moins estimée que sa parfaite cousine Charlotte qui aurait hérité du rare gène familial permettant de voyager dans le temps à partir de ses 16 ans. Sauf que quand le fameux anniversaire arrive, c'est Gwendoline qui se révèle capable de remonter le temps, et se retrouve au centre de l'attention. 
Ici, Sam se sentait aussi dans l'ombre de sa sœur (cent fois plus gentille que Charlotte toutefois), mais encore une fois, contrairement à ce qu'elle pense, son rang était déjà un atout. 



 Il y a aussi ce problème de confusion systématique de monarchie=tyrannie, et république=démocratie. Les Etats-Unis ayant eu à combattre une monarchie pour gagner leur indépendance et donc leur liberté, il n 'y a pas intérêt à ce qu'on en croie autrement. Et en France aussi, à cause de la révolution. Mais, en réalité, aujourd'hui (le téléfilm est situé à l'époque présente) seules les monarchies du Proche-orient sont encore absolues. Le Royaume-uni, l'Espagne, le Japon, la Belgique, sont autant de monarchies parlementaires. 



 La Belgique, une monarchie démocratique.



 La Corée du nord, une république tyrannique. L'un n'implique pas forcément l'autre et vice-versa. 





 Sam n'hésite pas à clamer sa haine de la monarchie au nom de la liberté bien qu'elle en soit issue (je ne pouvais pas m'empêcher d'en être choquée). Elle est alors entourée de manifestants qui devraient s'estimer heureux de pouvoir exprimer tout haut leur dégoût du système dans lequel ils vivent. En Grande-Bretagne, être républicain vous rend coupable de haute trahison. Mais les citoyens d'Illyra ne semblent pas si nombreux à vouloir changer, comme le dit la reine, ils ne sont qu'une trentaine. 

"Laissez-nous voter". Pourtant, tous les citoyens des monarchies européennes modernes votent.



 Plus tard, Eléonore admet qu'une modernisation est nécessaire. Pourtant, un royaume sans loi salique me paraît déjà plutôt moderne. Tiens donc? Disney, vous voulez couper la tête aux princesses? Pas tout à fait: Eléonore une fois couronnée décide de nommer un parlement. Mais dans la réalité, précisons que plus aucune monarchie européenne n'est absolue depuis cent ans. 




L'oncle Edmond, toutefois, se révélera avoir été encore plus radical. Lui aussi républicain enragé dans sa jeunesse, il ira jusqu'à tuer son aîné pas assez rapide dans sa décision de changer de régime, à son goût. Et dans le présent, cherche à éliminer de la surface de la terre toute personne de sang royal (sauf lui-même, ne poussons pas). Je dois admettre qu'une telle motivation pour un cadet royal est plutôt originale, on s'attendrait plutôt à de la soif de pouvoir de sa part. 

Ca s'est déjà vu.



En revanche, cela implique une faille dans son plan. D'abord, hypocritement, Edmond se retourne contre son milieu d'origine. Mais là où ça coince, c'est concernant son complice. Edmond a fui en éteignant le collier électrique qui neutralisait ses pouvoirs, et à l'aide d'un engin construit avec des éléments électriques qui lui sont parvenus peu à peu, le dernier dans une pomme rouge. Quand Edmond téléphone au complice, sa voix est déformée (Pourquoi? Risque de mise sur écoute? Edmond connaît son identité pourtant). 






















 Il ne m'en pas fallu plus, je savais, à cause de la loi de conservation des détails, que le complice était un personnage que nous avions déjà vu. J'ai d'abord penché pour l'un des adultes, mais des indices ont vite désigné quelqu'un d'autre. Sa haine pour son frère aîné, les pommes rouges qui sont ses préférées...Avril, qui de plus a un pouvoir qui est plutôt celui d'un méchant (Malicia était dans la confrérie des mauvais mutants au début de son histoire). 






Quel dommage car c'était ma préférée du groupe (amicale, pas renfrognée comme Sam et rien à voir avec l'autre fille du groupe, la superficielle et alpha bitch like Roxana). 

Mais surtout, son alliance avec Edmond est étrange, car elle l'a fait évader en échange de la suppression de son frère. Qu'elle n'ose pas tuer elle -même en dépit du fait qu'Avril nous est présentée sans scrupules à part cela ( à partir de la révélation bien sûr). Le but étant qu'Avril hérite du trône de son pays...or Edmond tient à supprimer toutes les monarchies. Toute personne intelligente se demanderait si Edmond ne le trahira pas, en pareil cas? Or Avril semble intelligente, trop, pour sa position. 




Comment une adolescente a-t-elle pu monter un tel plan (voilà pourquoi j'ai d'abord cru à un adulte)? Avril devait tout savoir pour tout échafauder. Qu'Edmond est vivant, d'abord, alors qu'il passe pour être mort avec son frère dans un accident d'avion, ce qui a filtré dans les médias (pour garder le secret sur la société). Avril devait donc connaître l'existence de la société, et ses pouvoirs, sans compter sur eux car pas encore apparus. Et savoir que le "prisonnier 34", gardé dans une prison archi confidentielle, était Edmond...Bref, un membre interne à la société secrète qui aurait été le traître, m'aurait paru plus vraisemblable. 




 C'est en parallèle avec la tendance ces dernières années du méchant "surprise" (Hans, le professeur Callhagan, Bellwether, Ernesto de la Cruz...) Mais ça n'empêche pas le pincement au cœur quand on remarque l'insigne au nom d'Avril, à la fin, signifiant qu'elle ne fera jamais partie de l'équipe. 

Contrairement aux précités, ce n'était pas qu'une figurante et surtout, elle jouait très bien les bonnes amies...quel dommage de constater que c'est feint. Elle risque en plus d'être la grande méchante de la suite car les quatre cadets se lancent à sa poursuite dans la dernière scène. 




Minute, comment Avril a fui? La dernière fois qu'on l'a vue, elle avait été assommée (et sans doute ligotée). 






 Dans la catégorie, "je le savais" , il y avait aussi un cas de "fusil de Checkov": tout objet qu'on prend la peine de montrer va resservir. A titre de marque de confiance, la reine Catherine révèle à Sam la commande vocale des passages secrets du palais (et Sam les répétera devant Avril à qui elle a fait confiance, on s'en doute). Et aussi la "Batcave", sous le palais. On y trouve des armes qui sont différents "trophées" pris à des ennemis de la société. L'une d'elles est un tube qui permet d'absorber du "matériel génétique". .. Je savais qu'on le reverrait.




 Dans ce lieu se trouvent aussi des portraits de membres émérites de la société. Détail très drôle, l'un d'eux est le prince Harry d'Angleterre. Mais on y trouve des portraits beaucoup plus anciens dont certains remontent à l'Egypte ancienne. Si le gène du "cadet royal" existe depuis si longtemps, comment interprétait-on les pouvoirs des princes de jadis pour qui en était témoin, est-ce qu'on les accusait de sorcellerie? Autre question intéressante, certains souverains avaient- ils des pouvoirs? Car parfois, des cadets accédaient au trône après la mort (ou l'abdication) de leur aîné. Elizabeth 1ère, Georges VI d'Angleterre, Louis XV et Louis XVI se sont retrouvés dans ce cas. 




 Le tube est volé par Edmond qui veut s'en servir pendant la cérémonie de couronnement de sa nièce Eleanore, et ainsi capturer tous les invités (il le règle sur "prendre les ADN de sang royal) , la plupart des têtes couronnées de la planète -lui excepté. Mais grâce à l'intervention de la société, c'est l'inverse qui va se produire et  c'est lui qui va finir enfermé. 


Même si je me demandais s'il n'aurait pas pu être neutralisé plus tôt. Au début de la formation, Catherine dit qu'une recrue qui rate ses examens verra  sa mémoire effacée et ses pouvoirs neutralisés , pour qu'elle ne se rappelle même plus en voir eu. Voilà qui est efficace...Edmond n'aurait- il pas causé bien moins de soucis si on avait neutralisé ses pouvoirs et effacé sa mémoire, plutôt que de l'enfermer avec un collier inhibant...? Etait-il trop vieux pour que ça marche sur lui? Ce n'est qu'une théorie, mais j'aurais bien aimé avoir l'explication. 

Ce sera discret, mais ce téléfilm risque de marquer l'existence du premier prince Disney gay. Quand il se présente, James mentionne entre autres avoir un petit ami. 





Beaucoup de LGBT pointeront sans doute que cela est insuffisant. Sans doute qu'ils auraient préféré un prince charmant personnage principal d'un long -métrage d'animation. Et que même dans ce téléfilm, c'est trop "timide", car on aurait dû voir le copain en question, et le voir en "action" avec lui. Je ne parlerais pas à leur place, mais je suis néanmoins moi-même queer, en tant que aroace. Et verrai le verre à moitié plein, car le fait est traité comme il devrait l'être, c'est à dire normal: il ne fait sursauter personne , et on ne s'appesantit pas dessus. De plus, le téléfilm est destiné à être vu par des enfants, étant recommandé au delà de six ans. Je peux vous garantir que quand j'avais six ans et plus, aucun programme familial n'évoquait l'homosexualité de quelque manière que ce soit. Je trouve donc ça progressif même si je connais le besoin de représentation. Mais je rappellerai qu'un personnage Disney potentiellement aroace (comme Mérida, Elsa et Vaiana) ne l'a encore admis tout haut à ce jour. 



Et que même aujourd'hui, des princes et princesses gays préféreront ne pas évoquer en public ce fait à propos d'eux -mêmes. Le royaume de James fait donc preuve d'une rafraîchissante modernité.

 Je l'ai dit, le super héroïsme est approché ici comme il l'est dans les X -men . Les cadets agissent à l'abri des regards et cachent leurs capacités, mais à part ça, ils sont nés avec leur talents. Ils n'ont pas de masques, pas de pseudonymes, et des uniformes trop sobres à mon goût.





 En parlant des X-men, saviez-vous que Storm/Tornade, par exemple, était une princesse tribale (une reine par alliance, même)? 




Sans doute pas: ça ne se remarque pas du tout. Le problème ici est le même. Par exemple, le téléfilm utilise un trope que j'apprécie, celui de l'école royale (tous les élèves sont des princesses et/ou des princes).

Exemple, Royal prep dans Princesse Sofia.



 Le lycée de Sam et Roxana, Strathmore high, correspond à la description. Mais comme on le voit surtout pendant l'été et sa période en tant qu'école de super-héros, l'établissement a, contrairement à d'autres exemples, un aspect très moderne. On dirait n'importe quel lycée. 




Avec les héros, c'est pareil: on dirait n'importe quels mutants et leurs origines royales ne se remarquent guère. C'était déjà plus le cas dans Barbie super princesse. Le costume de super héroïne de la princesse Kara alias Barbie avait cet aspect glamour.






 De plus, Barbie avait une approche "DC comics" de l'héroïsme. Kara acquiert ses pouvoirs par accident au lieu de naître avec. Elle a un masque, un pseudonyme (Super paillette), et ses dons (vol, force, agilité, vitesse) rappellent Supergirl dont elle a le prénom. Populaire auprès du public, elle jongle aussi entre deux identités, et est donc vue plus souvent dans ses obligations royales.




 Dans le présent téléfilm, on est en plein de l'approche de la "maison des idées". Les cadets sont des mutants, n'ont qu'un pouvoir assez modeste, pas d'identité secrète, pas de cape...




il ne manquerait plus que le public les déteste. Normal puisque c'est Marvel que Disney détient. Or personnellement, j'ai toujours été plus sensible à l'esprit DC.

 Je n'ai pu, non plus, m'empêcher de ressentir une vexation devant le prologue, qui montre Eleanore enfant jouant à la dînette et ressemblant donc beaucoup à l'idée qu'on se fait d'une princesse. Là dessus, sa sœur déjà habillée destroy débarque et envoie promener la vaisselle d'un revers de guitare. 




Comme c'est Sam l'héroïne, c'est censé être la bonne attitude à avoir...Mais j'y ai vu, une fois de plus, la stigmatisation de l'hyperféminité (ou en tout cas de la féminité traditionnelle) et de l'image de la princesse classique, vues comme des faiblesses et moins valides que les valeurs plus viriles de Sam. 




En voulant mêler l'eau et l'huile, le genre princier et super -héroïque, c'est plutôt le second qui se voit valider. Et ce n'est pas celui des deux qui m'intéresse le plus. 

Au final, la chose qui m'aura le plus fait baver, c'est les costumes. Pas ceux de super héros, on m'aura compris. 




Mais les robes, bien sûr! Celle d'Eleanore au couronnement. 




Et puis, ce moment où Sam se retrouve par coïncidence dans cette belle robe bleue qu'elle doit porter au couronnement et a encore des Doc Martens aux pieds, elle passe ainsi le climax et ça reflète bien à la fois sa nature et son rang. 





Mais, ma préférée est la robe qu'elle a pour une réception plus tôt dans le film (sauf le décolleté carré). 




 Disney m'a donné l'impression de dénigrer les princesses (en comparaison des super -héros par contre) et donc donné bien plus d'importance au second aspect. C'est louable de chercher à exploiter les deux licences pour lequel on est le plus connu, mais à titre personnel, le focus n'est pas sur celle que je préfère...A comparer avec Princesse protection programme, qui présente le fait d'être une princesse comme un moyen de faire le bien plutôt qu'un fardeau. Et ne montre pas la monarchie comme une dictature ( à l'inverse, le méchant qui veut transformer le pays en république, est un tyran...)



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